Les apports graphiques du design au volet 2 du chantier de recherche « L’essor multisitué du Travail chez Soi »
Quels peuvent être les apports du dessin et du design dans un chantier de recherche sur l’habitat ? Pour LEROY MERLIN Source, le dessin apporte une analyse qui complète la recherche et dialogue avec celle des chercheurs. La preuve avec le cahier dessiné par Sandra Villet dans le cadre du chantier de recherche « L’essor multisitué du Travail chez Soi » de Djaouidah Séhili, Tanguy Dufournet et Patrick Rozenblatt, sociologues du travail. Décryptage.
Le travail multisitué chez soi : la recherche
Le chantier de recherche « L’essor multisitué du Travail chez Soi » conduit par Djaouidah Séhili, Tanguy Dufournet et Patrick Rozenblatt, sociologues du travail, s’est déployé de 2016 à 2021.
- Dans un premier volet (2016-2019), l’équipe de recherche a recueilli les significations que les individus choisissant de travailler chez eux accordaient à cette manière de s’inscrire dans le monde du travail. Elle a aussi mis au jour que le fait de travailler chez soi dépendait étroitement de lieux extérieurs au logement et de la possibilité de tisser des relations sociales. Dans un contexte de pandémie de coronavirus, son principal enseignement était celui d’un vécu paradoxal du travail chez soi comme « aliénation heureuse ».
- Le second volet (2019-2021) s’est déployé et écrit durant la pandémie de coronavirus. L’équipe a choisi, à partir d’une enquête de terrain approfondie, de proposer son analyse sous forme d’idéaux-types. Leur but : comprendre comment chaque individu choisissant de travailler chez lui ou confronté à cette nécessité, aménage un ou des espaces et des temps pour le travail chez soi. Ils donnent aussi à lire la confrontation de ces nouveaux espaces et temps avec ceux de la vie quotidienne, personnelle et de famille.
Le dessin dans la recherche sur l’habitat et le travail chez soi
Pour ce second volet de la recherche, Sandra Villet, designer et dessinatrice a travaillé main dans la main avec les sociologues auprès des enquêtés. Mais elle a aussi organisé des temps de rencontre et des entretiens seule avec eux. Sa méthode ? L’immersion. Observer et dessiner de manière sensible l’espace vécu du logement lorsque l’on y travaille. Elle représente par le dessin à la fois les espaces, la place des corps et leurs mouvements. Ces mouvements viennent témoigner des frontières, des frottements, des empiètements entre espaces et temps de l’intime, du professionnel, du social. Dans son cahier de recherche dessiné, le lecteur est invité à entrer dans onze logements différents. Pour sa recherche en dessin, Sandra Villet a appliqué une méthodologie en 3 étapes :
- 1ère étape : avec une série de prise de vues en perspective et de croquis sur le vif sur les espaces où le travail s’impose.
- 2ème étape : en confrontant à distance les notes prises et les dessins réalisés lors de la première étape aux retranscriptions des entretiens réalisés par les sociologues. Une étape de décodage des situations nourrie par les échanges avec l’équipe de sociologues. Le résultat ? Une série de relevés de plans habités. Ils identifient les espaces privés et les espaces du travail ainsi que la superposition des deux.
- 3ème étape : en interrogeant les enquêtés interrogés sur leur ressenti face à ces relevés de plans habités. Le résultat de ce nouvel échange ? Une série de croquis scénarisés représentant l’enquêté chez lui à des moments clés pour lui. Ce qui révèle les interactions de leurs corps avec les espaces du logement et les temps de la vie.
En tant que mode de représentation, les apports du dessin pour la recherche habitat
- La pratique du dessin des espaces induit une temporalité longue : donner le temps à l’espace de prendre corps dans le dessin. Observer, comprendre comment les volumes se composent et sont occupés par les meubles, les objets et les corps.
- Le dessin traduit un ressenti sensible, vivant, de l’espace. En prolongement de ce que l’œil voit et ce que le corps ressent. Le dessin propose une mise en forme analytique de ces perceptions visuelles et corporelles. Il permet d’extraire, de hiérarchiser, de clarifier. Et ainsi de raconter les dynamiques en jeu dans les différentes situations par les choix de représentation.
- L’usage de la perspective permet de composer avec l’intégralité des murs, sol, plafond sans être arrêté par le cadre matériel tel que nous le percevons. Ainsi le dessin donne à voir ce qui serait hors-champ ou hors de la perception ordinaire. L’espace peut être montré dans son ensemble ou détaillé. Une zone particulière peut être replacée dans un cadre général, un focus peut être extrait.
- Le dessin dévoile l’espace au fur et à mesure qu’il est construit par le dessinateur. Certains détails noyés dans la scène réelle s’imposent lorsqu’on les dessine et prennent de l’importance. L’ensemble des dessins réalisés pour une situation donnée et pour la recherche constituent une grille de d’analyse. Précieuse car elle révèle des indices, les bricolages réalisés par la personne pour adapter son chez-soi à la réalité observée.