Quel potentiel de transformation socio-écologique ?
Dans cette nouvelle contribution « Habiter en commun et mutualiser », Damien Rondepierre, se penche sur le potentiel écologique des communs et la mutualisation dans les espaces d’habitat partagé. Cette réflexion fait suite à l’approche théorique et définitoire du partage amorcée dans « Partager son espace résidentiel ».
Habitat et mutualisation : l’anthropocène ou la nécessité d’habiter autrement
Dans un contexte d’anthropocène, Damien Rondepierre se penche sur l’habitat en commun pour déterminer dans quelle mesure il répond à l’exigence d’habiter autrement. Par quels moyens la mutualisation peut-elle participer à la constitution de manières d’habiter plus écologiques ? Quelles sont les mises en œuvre observables dans l’habitat participatif et dans l’habitat ordinaire ? Ces dernières sont-elles en capacité de faire du voisinage un espace social où s’opère une transition socio-écologique des manières d’habiter ? C’est-à-dire une transition vers « de nouvelles façons de penser et de prendre en compte l’environnement, la nature, le vivant dont les humains sont des contributeurs attentifs » (Laigle et Racineux, 2017) ?
Les modalités du partage comme transition écologique dans l’habiter ?
Damien Rondepierre, a observé des contextes résidentiels très différents. Deux d’entre eux sont situés en centre-ville de grandes métropoles (Nantes et Lyon). Et deux autres en périurbain (lyonnais et parisien). Chacun d’entre eux ont des histoires, des formes institutionnelles, des objectifs différents et des processus de mutualisation distincts. L’auteur en distingue trois types : horizontal, descendant, ascendant, qu’il classe selon leur insertion et leur réalisation au sein de projets résidentiels précis.
Trois processus de mutualisation dans l’habitat partagé
Dans les trois types de mutualisation identifiés par Damien Rondepierre, le rapport symbolique et réel à la notion de propriété influe sur les conceptions de la mutualisation des communs :
- Le processus de mutualisation horizontal désigne l’ambition collective d’habitants engagés dans un habitat participatif. Il vise à faire des manières d’habiter de chacun et de tous un commun en adéquation avec les valeurs de « solidarité et d’écologie » qui peuvent par exemple être défendues dans une charte collective.
- Le processus de mutualisation descendant est à l’initiative d’une autorité extérieure. Ici un bailleur social, dont le but principal est de mobiliser les habitants. Ainsi cette autorité fixe les modalités de mutualisation des équipements (outillages…), de la gouvernance, ou de certains espaces (cuisine d’été, jardin…). Son ambition est de co-concevoir et de co-gérer – principalement les parties communes – avec les locataires. À travers ce processus, ces derniers toutefois semblent principalement en quête de sociabilité et des plaisirs d’habiter.
- Le processus de mutualisation ascendant concerne des projets à l’initiative d’habitants propriétaires au sein de copropriétés. Il permet d’éclairer les réseaux de sociabilité et les pratiques qu’ils sous-tendent au sein d’espaces résidentiels « ordinaires ». Il s’agit de contextes résidentiels où les espaces intermédiaires peuvent être considérés comme des supports propices à l’investissement des habitants et aux sociabilités de voisinage. Couloirs, hall, rues, cour centrale, terrains de tennis, espaces verts… Les valeurs et normes d’habiter transmises depuis cinquante ans y sont aussi déterminantes.
Des freins et des leviers pour faire de l’habitat un « commun »
Mais faire de l’habitat un commun n’est pas exempt de difficultés. Tout d’abord, l’observation des processus de mutualisation confirme qu’il ne suffit pas de parler de communs pour qu’ils adviennent. Il s’agit d’une activité à part entière. Elle agrège différents processus (sociaux, politiques, économiques, culturels…). Ceux-ci sont autant d’éléments constitutifs d’un « travail du commun ». Or, comme le précise Pascal Nicolas-Le Strat, ni ce travail ni ces processus ne sont spontanés. En effet ils « doivent être conçus et élaborés, imaginés et mis en action. Ces processus se construisent techniquement et socialement. Ils incorporent une grande diversité de gestes : des gestes de pensée et de langage, des gestes techniques et relationnels, des gestes matériels et immatériels » (Nicolas-Le Strat, 2016).
Créer des espaces mutualisés nécessaires à l’habitat en commun
Ce travail du commun s’appuie sur un ensemble de supports dont disposent ou que construisent les habitants. Ainsi, les espaces et aménités communes, peuvent à la fois être pensés, conçus et utilisés comme conditions et modalités de l’habiter en commun. Il s’agit à la fois d’espaces mutualisés dans l’objectif de faire du commun dans l’habitat (salle commune, atelier de bricolage partagé…). Ou encore d’espaces mutualisés dont les individus bénéficient pour leurs propres fins (piscine et pool house…). Ou enfin d’espaces non-dédiés à faire du commun mais appropriés par les habitants : couloirs où les voisins échangent ressources et informations avec un panneau de convivialité, cour d’immeuble.
Habitat en commun et mutualisation : les modalités de la contribution
Cette contribution de Damien Rondepierre, deuxième d’une série de cinq, accompagne le travail réflexif qu’il mène dans sa recherche doctorale. Elle s’inscrit dans le cadre d’une thèse Cifre débutée en 2022 avec LEROY MERLIN Source. La contribution prend en compte les entretiens, visites et observations réalisées avec des habitants sur quatre terrains d’enquête : un habitat participatif dénommé « Bord de rivière », composé de 13 logements, livré en 2016 et initié dès 2011 ; un habitat partagé, dénommé « Potager de l’Erdre », composé de 23 logements sociaux, porté par un bailleur social, livré en 2021 et initié dès 2016 ; une copropriété pavillonnaire autogérée depuis les années 1970, composée de 250 maisons individuelles ; un immeuble en copropriété des années 1970 à la gestion déléguée, où un groupe de voisins plus ou moins formel se constitue pour partager et échanger au quotidien.