Les objets : entre décor et profondeur du chez-soi
Ils sont parfois perçus comme des choses superficielles, simples éléments de décor. Ils sont accusés d’être trop nombreux, au risque de l’accumulation dans nos logements. Leur renouvellement incessant épuiserait les ressources. Pourtant les objets, si on leur prête attention, sont au cœur du chez-soi de chacun. Nous avons cheminé avec eux, ils donnent de l’épaisseur à nos modes d’habiter. Nous vivons voire vibrons avec eux tout au long de la vie, en les déclinant au présent.
Les objets dans les grandes étapes de la vie
Nous les anticipons puis nous les acquérons lors des grands moments d’expérimentation de la vie. A L’arrivée du premier enfant, les parents conçoivent en amont l’espace du bébé et pensent l’ensemble des objets, utiles, ludiques, pédagogiques qui leur semblent nécessaires. Mais leurs préparatifs sont largement bousculés par cette naissance et les multiples péripéties des premiers mois. C’est un temps de tâtonnements et d’ajustements, tout comme l’est le temps des Premiers logements, premiers chez-soi des jeunes. Ils rapatrient leurs objets de chez les parents, objets bricolés, tactiques de rangement, chacun-e procède par essais-erreurs pour composer son identité d’habitant-e.
Une économie circulaire domestique invisible
De ces expérimentations à l’expérience de l’habiter qui se construit progressivement, les habitants développent des relations plus actives ou plus conscientes avec leurs objets. Il ne s’agit pas simplement de les consommer jusqu’à usure puis évacuation mais d’adopter une infinité de comportements qu’on peut qualifier d’Economie circulaire domestique. On peut citer la réparation, le changement d’usage, la réutilisation des composants, le stockage au cas où, l’usage en mode dégradé, le don ou la vente à d’autres habitants… Pour évoquer cette Petite économie circulaire invisible, les habitants, passeurs de vies (récit graphique) usent et abusent d’un très riche vocabulaire pour filer la métaphore de la vie et de la mort de leurs objets.
Domestiquer et louer ses objets
Parmi ces rapports actifs et d’évidence créatifs avec nos objets, on peut relever tous ceux qui consistent à Domestiquer ses appareils domestiques. On peut simplement déléguer aux appareils. Dans ce cas de figure simple se posent déjà des questions : est-ce plus efficace ou plus agréable que de procéder manuellement ? Cela devient plus créatif quand l’habitant se prend à domestiquer ses appareils : il cherche à comprendre, à les apprendre, les entretenir, les réparer, les faire durer. Il rentre alors dans un rapport durable et maîtrisé avec ses appareils, source de satisfaction. Ce rapport réfléchi qui s’inscrit dans le temps long se retrouve quand on choisit de Louer ses biens personnels, entre profit et entraide : comment les présenter, à quel prix les proposer, et surtout lesquels louer, etc. Tout se loue mais tout le monde ne loue pas les mêmes objets, c’est une affaire d’attachement et de rapport à la propriété.
Objets, temps et transmission
L’attachement et la relation sensible à nos objets nous situent dans nos différents temps de vie, celui du passé et des souvenirs, celui de nos projections vers l’avenir. Ces rapports riches et subtils sont toujours ancrés dans le présent, c’est ce que nous apprennent les Objets d’ailleurs dans nos logements. Ces objets rapportés (voyages, maisons de famille…) nous relient à des personnes et une culture familiale, à des lieux distants parfois perdus, à un temps d’avant. Mais ils jouent toujours leur rôle ici et maintenant. Ils contribuent à l’actualisation de l’individu, de son identité et de son présent par la transformation de leur signification. Ce sont des rapports vivants et corporels, tout en interactions, que nous entretenons avec les objets. Avec l’avancée en âge, on peut discerner que ces expériences dans l’espace du chez-soi et avec les choses renvoient à un vécu de l’enfance, dont chacun reproduit une version au présent, sous formes d’Arrangements, qui se perpétuent de logement en logement.
La transmission : un lien intergénérationnel
Vient enfin le temps de La transmission des objets personnels à la vieillesse. Au terme de ce lent processus d’appropriation vient le moment du don aux plus jeunes, et parfois aux pairs générationnels. Les objets font lien entre les générations, chargés de signification. Ce don reste soumis aux souhaits des donataires, qui peuvent accepter, sélectionner voire refuser les objets transmis. Eux-mêmes, en tant qu’habitants, ont déjà assemblé un univers d’objets qui les constitue et les soutient dans le temps long de l’habiter.