Des espaces multiples à l’espace unique standardisé
Avec cette nouvelle contribution sur la cuisine au Japon, Camille Picard continue d’explorer les modes d’habiter et l’architecture domestique japonaise. La chercheuse dresse ici l’histoire récente de la cuisine japonaise. Et elle s’appuie, pour la comparaison avec la France, sur l’état de l’art de la cuisine réalisé pour Leroy Merlin Source par Laetitia Vidal.
Du modèle traditionnel japonais au modèle occidental rigide
Les évolutions de la pièce cuisine au Japon sont en partie similaires à celles de la France. En effet, l’industrialisation, les équipements, objets et appareils ont transformé les façons d’occuper cette pièce. La transition apparait toutefois plus importante au Japon. En effet, l’ensemble de l’habitat y passe d’un modèle « traditionnel » (peu de meubles, activités réalisées au sol, etc.) à un modèle occidental (meubles hauts, rigidification de la structure, etc.).
Une approche de l’architecture domestique à la fois historique et comparative
Pour cette contribution qui décrypte l’architecture domestique et la cuisine au Japon, l’approche de Camille Picard est avant tout historique. Elle dresse un parallèle avec l’état de l’art réalisé par Laetitia Vidal sur l’histoire de la cuisine française. Dans une première partie, elle se penche sur les espaces dédiés à la préparation du repas et à sa consommation. Et elle pose les bases pour comprendre les conséquences de l’industrialisation sur la cuisine, passant du daidokoro à la kicchin. Dans une deuxième partie, elle appréhende la question de la cuisine comme espace féminin. Dans la troisième partie elle analyse les modèles de cuisine actuels proposés par l’industrie du logement, en lien avec le vieillissement de la population. Puis dans la quatrième partie, Camille Picard donne à voir les aménagements proposés sur l’archipel. Enfin, la dernière partie montre en quoi, malgré les similitudes historiques, les espaces de la cuisine en France et au Japon diffèrent.
Architecture domestique : des ressemblances et des différences notables entre les cuisines au Japon et en France
Malgré les similitudes exposées dans les évolutions de la cuisine au Japon et en France, Camille Picard observe de grandes différences d’usages ainsi que de design :
- Les Français accordent beaucoup d’importance à la cuisine. Ils y investissent de l’argent. C’est un lieu de réception, lieu familial ou lieu intime. Une pièce où les invités les plus proches sont conviés et s’y sentent à l’aise, c’est un lieu de partage. Certaines sont ouvertes sur le séjour ce qui les propulse au cœur de la maison. Les réglementations d’accessibilité et la réduction des surfaces des appartements en ville tendent en outre à amplifier ce phénomène.
- La cuisine japonaise a moins de significations. C’est une pièce peu mise en avant bien qu’elle soit visible depuis la pièce de vie principale. En effet, elle est systématiquement, à quelques exceptions près, intégrée à la salle à manger. Ristuko Ozaki parle d’une « pièce tout-en-un [est] devenue la forme la plus populaire » (lors de son enquête dans les années 1990, cette disposition représentait 90 % des logements). La cuisine équipée, telle que nous l’entendons en Occident, est toutefois éloignée de la cuisine française sur un plan esthétique et d’organisation de l’espace.
Camille Picard a déjà analysé le paradoxe japonais de la flexibilité spatiale des espaces de la maison et de la rigidité des manières d’habiter, et étudié les pratiques de bricolage des Japonais et l’adaptation de la salle de bains au vieillissement dans l’archipel.