Du design des politiques publiques au design du bien vieillir
Dans cet entretien, LEROY MERLIN Source vous invite à rencontrer Gaël Guilloux, son correspondant spécialiste du design social et du vieillissement depuis 2015. Il y a 8 mois, Gaël Guilloux a créé De Fond En Comble. Ce premier tiers-lieu consacré au bien vieillir est l’aboutissement de vingt années de recherches sur le design appliqué au vieillissement. Et plus précisément « à la prévention des fragilités liées à l’avancée en âge« . Comment le parcours atypique du designer a-t-il mené à cette innovation ?
Gaël Guilloux, un designer social spécialisé dans le vieillissement
Gaël Guilloux est ingénieur en génie de l’environnement et du développement durable, spécialisé dans l’éco-conception. Il a ensuite travaillé dans un bureau d’études, une association, puis un grand groupe industriel d’électronique. En parallèle, cet « architecte contrarié, car mes parents n’avaient pas accepté que je poursuive des études dans ce domaine » a passé un BTS d’architecture intérieure. Puis un diplôme universitaire sur les systèmes de management Environnement, sécurité, qualité.
Le rôle du design dans la recherche habitat : prendre en compte les usages
Lors de son premier poste à la délégation Rhône-Alpes de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), il développe une « certaine frustration« . Ce qui le dérange ? La non prise en compte de l’importance des usages et les changements de comportements. Pourtant tout aussi fondamentaux que le choix des matériaux et les processus de fabrication pour impulser la bifurcation écologique. « C’est le design qui m’a semblé pouvoir répondre à cet enjeu « . Il se forme alors au design de produit et de service à l’école de design industriel de Valencia (Universitat Politechnica de Valencia). Puis passe un doctorat à label européen en design, innovation et génie de l’environnement. Il devient designer indépendant et travaille en agence. Puis il rejoint l’École de design Nantes Atlantique, où il dirige le laboratoire de recherche en design social (le Design Lab Care) à partir de 2014. En abordant la question sociale et médicosociale avec cette approche des vulnérabilités, Gaël Guilloux s’est penché sur les services et politiques publiques. Il crée alors la chaire « design et action publique innovante ».
Le design et le vieillissement : quelles perspectives pour la recherche habitat ?
Pour Gaël Guilloux « le design a pour vocation de créer des dispositifs, au sens d’espaces, produits ou services, en se concentrant sur la relation d’un ou plusieurs usagers à ce dispositif« . Mais ce couple évolue selon le contexte et la situation d’usage. Dans le cadre du design de service, il faut donc travailler sur cette relation. Dans un parcours d’usager mouvant. Le but ? Concevoir des solutions adaptées aux attentes et besoins de l’usager. Ce raisonnement place l’usager au centre du service public et des politiques publiques. C’est presque une évidence aujourd’hui. Mais le début des années 2000 était encore très imprégné des politiques représentatives. Le fait de déléguer à des spécialistes la mise en place de ce qui est bon pour les administrés. Ce fonctionnement, même s’il a entraîné une certaine passivité, est en train de changer, a tout de même permis de faire naître des dispositifs que chacun s’est approprié pour un usage particulier. Et même s’il a entraîné une certaine passivité, il est en train de changer.
De Fond en Comble : le 1er tiers-lieu consacré au vieillissement et à l’autonomie
Avec ce tiers-lieu original, Gaël Guilloux a voulu créer un lieu de socialisation pour permettre aux séniors de rencontrer du monde. Un lieu accessible à tous et accueillant. « Pour les inviter à passer la porte, je propose des activités enrichissantes, divertissantes et motivantes« . Des activités pensées et conçues pour repousser l’arrivée des fragilités liées à l’avancée en âge. Ce sont des activités du quotidien, afin que les usagers puissent progresser et poursuivre leur pratique par eux-mêmes. Ainsi, la marche afghane est intéressante en ce qu’elle améliore la capacité respiratoire et réduit les besoins énergétiques du marcheur. « Un usager de 80 ans m’a affirmé qu’il ne pouvait pas marcher plus d’une demi-heure. Mais après quelques séances, il se voyait finalement bien crapahuter en montagne ! Proposer plusieurs niveaux de capacité est là aussi intéressant, car passer d’une étape à l’autre nous inscrit dans une continuité, un fil, un horizon, un avenir ! ». De Fond En Comble organise aussi des rencontres thématiques (l’emploi, les conflits), ouvertes à tous les âges, intitulées « L’actualité nous colle à la peau ». L’idée est d’y confronter la façon de penser de chacun. Ainsi que la façon dont chacun considère le point de vue des autres générations. « Je les invite également à devenir usagers-experts, en participant à la conception de projets privés et publics, en s’en saisissant pour les investir et les faire évoluer. En ce sens, ce lieu est aussi un lieu de démocratie participative, à l’échelle locale« .