Enjeux, acteurs, organisation par Bernard Ennuyer, sociologue
Depuis la publication en 1962 du rapport de Pierre Laroque, le maintien à domicile des personnes âgées est l’objectif prioritaire de la « politique de la vieillesse » de tous les gouvernements qui se sont succédés. Cet objectif correspond aussi au souhait de la majorité des personnes âgées de rester chez elles, dans leur cadre de vie, le plus longtemps possible, voire jusqu’à leur décès. Pourquoi ce souhait des Français, que les discours politiques reprennent, n’about-il pas depuis des décennies à la mise en œuvre de politiques publiques permettant de le satisfaire vraiment ?
50 ans d’histoire des politiques publiques
En s’attachant à la révision de son ouvrage de référence, Bernard Ennuyer a parcouru à nouveau plus de cinquante ans d’histoire des politiques publiques en faveur ou en direction de la vieillesse. Cela pour en tirer des leçons sur ce qui reste à faire. Le livre témoigne ainsi de l’évolution majeure des sensibilités et des attentes des personnes vieillissantes et âgées. Le constat de l’auteur s’articule autour de plusieurs points aveugles des décideurs mais aussi d’une certaine manière des Français eux-mêmes. Le premier est celui, partagé, d’une vision déficitaire de la vieillesse. Elle est vécue comme un poids, une maladie et une déchéance et non comme une période de la vie riche d’enjeux de transmission concrets et symboliques. Le second point, pour partie lié au premier, est celui de la place que notre société réserve aux personnes âgées. Au-delà du senior actif et consommateur. Quelle place réservons-nous réellement aux plus de 80, 90 ou 100 ans qui seront de plus en plus nombreux ? Quels liens voulons-nous tisser avec ces personnes certes fragiles mais bien vivantes ? Le troisième point aveugle est celui du logement. Comment ce dernier peut-il accompagner le vieillissement et le grand vieillissement de tous les Français ? Pour l’auteur, la technologie seule n’apportera pas toutes les réponses aux besoins des personnes. Notamment ceux relevant d’un soin élargi (care). Seuls des services que des humains portent et assurent peuvent répondre aux besoins d’autres humains non réduits à l’état d’objets et pourront donc remplir cette mission. La conclusion de l’ouvrage ouvre donc légitimement à un appel à une réflexion collective sur la place des personnes âgées dans notre société. Et aussi sur les mécanismes réels de solidarité à mettre en œuvre.
Des pistes en lien avec le logement
Plusieurs dimensions de l’ouvrage pourront intéresser les acteurs de l’habitat, au sens large. Notamment lorsqu’ils voudront réfléchir à ce que peuvent être les logements intergénérationnels d’aujourd’hui et de demain. Ils y trouveront des réflexions utiles sur les notions de chez soi et de domicile. Sur la nécessité d’une culture partagée du domicile entre intervenants du domicile et habitants. Ils y puiseront des réflexions sur ce que peuvent apporter les services de maintien à domicile et leur évolution à venir sous la pression d’attentes nouvelles. Enfin, ils pourront articuler dans ces projets intergénérationnels, de manière plus fine et intelligible, les apports des technologies avec ceux des aides humaines. Comment voulons-nous vivre ensemble ? Telle est au final la question que ce livre pose aux professionnels de l’habitat. Et qui lui donnent forme concrète par la construction des bâtiments et l’organisation concrète des logement. Et forme immatérielle par les services qu’ils procurent ou pas.
Interview de Bernard Ennuyer et sommaire de l’ouvrage
Pascal Dreyer