Une recherche croisée entre art et sociologie
Le logement est souvent considéré sous un angle architectural, économique ou écologique. Cependant, un aspect essentiel tend à être négligé : la dimension corporelle et sensorielle de l’habiter. Le corps de l’habitant, avec ses perceptions, ses gestes et ses besoins, joue un rôle clé dans la manière dont nous façonnons et investissons nos espaces de vie. C’est ce façonnement qu’ont choisi d’explorer Pascal Dreyer, chercheur associé à LEROY MERLIN Source, et Florence Vernay, plasticienne. Ils ont mené une enquête auprès de personnes âgées de plus de 65 ans. Leur étude met en lumière la manière dont les expériences sensorielles et corporelles modèlent les lieux que nous habitons.
Le corps à l’origine de nos arrangements spatiaux
En effet, nos manières d’habiter sont profondément enracinées dans nos expériences corporelles d’enfance, qu’elles soient heureuses ou traumatisantes. Ces expériences influencent la façon dont nous aménageons nos espaces de vie, créant ce que les chercheurs appellent des « arrangements ». C’est-à-dire des ajustements spatiaux spécifiques répondant aux besoins du corps.
Des gestes quotidiens aux aménagements significatifs
Ces arrangements peuvent être subtils, mais leur impact est profond. Il peut s’agir de la manière dont une personne choisit d’organiser son salon, ou encore de la façon dont elle interagit avec des objets familiers. Par exemple, l’étude décrit des habitants pour qui des gestes aussi simples que s’asseoir sur une chaise ou éplucher des pommes de terre deviennent des rituels sensoriels ancrés dans des souvenirs d’enfance. Ces gestes contribuent à façonner un espace protecteur, rassurant, où le corps trouve un refuge.
Une approche artistique pour révéler le vécu sensoriel
Florence Vernay, en parallèle de l’approche socio-analytique, a apporté son regard sur les relations corps-espaces des habitants rencontrés en réalisant des relevés de plan habité, des cartographies sensorielles et des créations évocatrices des expériences corporelles des participants. Ces créations, présentées aux personnes interrogées, ont permis à chacune d’entre elles de se reconnaître dans une interprétation sensorielle graphique de leur manière d’habiter. Cette démarche a permis de visualiser les arrangements corporels, révélant comment chaque individu façonne son environnement à son image.
Le corps et l’espace, entre liberté et protection
L’étude illustre comment chaque individu crée son propre équilibre entre liberté et protection à travers l’organisation de son habitat. Pour certains, cela se manifeste par des fenêtres toujours ouvertes, permettant de maintenir un lien avec l’extérieur et de préserver un sentiment de liberté. Pour d’autres, il s’agit de réaménager leur espace pour créer des coins personnels, véritables contenants d’une expérience sensorielle qui n’est pas nostalgique mais au contraire l’expression d’un rapport au monde et à soi le plus actuel.
En combinant une approche scientifique et artistique, Pascal Dreyer et Florence Vernay ont révélé une dimension fondamentale mais souvent ignorée de l’habiter : la relation entre le corps et l’espace. Leur travail souligne l’importance de prendre en compte les besoins corporels et sensoriels dans l’aménagement de nos lieux de vie. Car en définitive, habiter, c’est avant tout une expérience incarnée.