Energie & confort Rénovation Diagnostic et démarche globale : les deux impératifs de la rénovation

Diagnostic et démarche globale : les deux impératifs de la rénovation

Entretien avec l'architecte François Torrecilla


Entretien

Diplômé en Architecture et Ingénierie à Haute Qualité Environnementale, l’architecte François Torrecilla intervient notamment dans le domaine du logement social, dans des logiques de réhabilitation intégrant des objectifs de haute performance énergétique. Entretien réalisé en 2011 à l’occasion des 1ères Assises de l’habitat Leroy Merlin.

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La question de l’énergie est-elle forcément prioritaire dans la rénovation de l’habitat ?

C’est le B-A BA. La notion thermique est première. Et il faut la traiter de manière globale. Ca ne sert à rien d’avoir une façade très performante si le toit a des fuites, ou si des conduits d’air traversent un immeuble. Ca ne sert rien de poser une membrane d’étanchéité à l’air si la maison a un trou de cheminée trop large.
J’ai l’exemple d’une maison dont la propriétaire voulait isoler le mur nord. Elle envisageait une isolation par l’extérieur, mais seulement au nord. Alors que le froid se propage partout ! Il vaut mieux ne mettre que 5 centimètres d’isolant par l’extérieur plutôt que 15, mais sur toutes les façades. La performance sera moindre que dans le neuf, mais on aura traité la question de manière intelligente.

Quelle hiérarchie faire entre isolation, ventilation, choix des sources d’énergie, réduction des consommations ?

D’abord il n’y a pas de recette type : cette hiérarchie ne sera pas la même selon les maisons et les immeubles, selon les caractéristiques de chacun. C’est du cas par cas. Il faut donc commencer par un diagnostic. Il y a bien sûr le DPE, le diagnostic de performance énergétique, mais il s’agit d’un logiciel de calcul systématique, qui ne permet pas du sur-mesure. Par exemple, le DPE ne prend pas en compte la pérennité d’un produit : un matériau peut être isolant à court terme mais se détériorer sur 10 ans et poser des problèmes thermiques, voire sanitaires. Idem pour la ventilation, les chaudières…


A vos yeux, ce diagnostic est un préalable indispensable ?

Le diagnostic, c’est comme en médecine, il donne la pathologie d’un bâtiment : elle peut être thermique, mais aussi liée à l’humidité, aux usages… Le diagnostic doit donc avoir une valeur architecturale, environnementale et humaine.
Et à chaque diagnostic va correspondre un panel de solutions : on choisira la plus performante, en fonction du budget disponible bien sûr. Et en fonction de la dimension sanitaire aussi : une performance moindre peut être justifiée par le choix d’un matériau plus sain.
Enfin le diagnostic doit intégrer l’aspect constructif du bâtiment. Des constructions en pisé, en mâchefer, en agglo, en pierre, en bois… ne se comportent pas de la même façon et donc n’impliquent pas les mêmes solutions. Et il faut tenir compte du lieu : entre deux maisons à la campagne, l’une protégée par une colline, et l’autre à tout vent sur une crête, là encore le diagnostic sera différent.
Ce travail en amont est essentiel.

Pour un particulier qui veut rénover par lui-même, que conseiller aujourd’hui ?

Il faut d’abord bien intégrer les contraintes que représentent les travaux par l’extérieur. Jusqu’à présent, l’isolation en rénovation se faisait essentiellement par l’intérieur : réaliser un doublage derrière un placo, avec de la laine de verre, sur une hauteur de 2 mètres 50, c’est abordable pour un particulier. Mais désormais, on privilégie l’installation d’un manteau autour du bâti, pour éviter les ponts thermiques et garder de l’inertie : il faut travailler par l’extérieur. La première contrainte sera celle de la sécurité : louer une petite nacelle ou un échafaudage, tenir compte du sol, qui peut-être meuble ou en pente… Et compter avec la météo ! Ensuite, ce n’est pas compliqué en termes de savoir faire : coller ou cheviller des plaques d’isolant sur une façade n’est pas plus difficile que de mettre du placo à l’intérieur.
Là où on ne peut pas se passer des professionnels, c’est pour l’installation de dispositifs techniques sophistiqués. Par exemple des capteurs solaires thermiques couplés à un chauffe-eau solaire, lui-même couplé à un chauffe-eau classique.

Et comment intégrer tous les surcoûts potentiels pour de tels investissements ?

Si on veut travailler l’enveloppe d’un bâtiment par l’extérieur, le produit de façade devra résister aux intempéries et au temps : il est plus cher qu’un matériau pour l’intérieur. Diagnostic, étude, sécurité, matériau : le surcoût est indéniable. Et si on ne peut pas l’assumer, mieux vaut ne rien faire ! Il n’y rien de pire qu’une rénovation partielle, qui ne permettra finalement qu’un gain de 15% sur les dépenses de chauffage par an. Ca ne rime à rien par exemple d’installer des fenêtres très performantes si on ne travaille pas la façade. Ou alors, la solution raisonnable sera de prévoir un phasage des travaux : changement des fenêtres aujourd’hui, rénovation de la façade dans trois ans…
S’il faut ne retenir qu’une seule chose, la voici : il faut éviter les demi-mesures, envisager la rénovation de la maison de manière globale.

A titre personnel, que privilégiez-vous pour l’isolation ?

L’idéal aujourd’hui, le matériau sain, performant thermiquement en hiver et plus encore en été, c’est la laine de bois. Qui coûte très cher. Mais les prix sont amenés à évoluer : ainsi pour la brique mono-mur, j’ai vu la concurrence arriver et les prix baisser, à mesure que la demande a augmenté. A terme, les prix de la laine de bois devraient baisser. C’est là que les industriels ou les distributeurs peuvent avoir un rôle important de prescripteur : peser à la baisse sur les prix en commandant des grandes quantités.

Et que préconisez-vous  pour la ventilation ?

J’utilise beaucoup l’Hygro B : c’est une VMC (ventilation mécanique contrôlée) dotée de capteurs d’humidité. Quand un local est inoccupé, il y a moins d’humidité. Quand il est occupé, le C0² qu’on rejette créée une humidité : la membrane de la VMC fait alors un appel d’air plus important, et il y a donc plus d’air renouvelé. On arrive à d’assez bonnes performances avec ce système. C’est du simple flux et c’est peu cher. Alors qu’une ventilation double flux coûte cher, nécessite plus de matériaux à la construction, doit être entretenue… et fonctionne tout le temps ! Si le logement est inoccupé toute la journée, ou que la famille part un mois en vacances, est-ce la peine d’avoir un système qui fonctionne à 100% ? Je ne suis pas favorable aux solutions toutes faites.

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