Habiter Faire la transition écologique dans son logement ?

Faire la transition écologique dans son logement ?

La transformation du logement et ses contraintes


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Comment les habitants se lancent-ils dans la transition écologique pour un mode de vie plus durable dans leur logement ? Quelle place occupe leur logement dans l’adoption de ce mode de vie plus durable ? Quelles entraves rencontrent-ils et comment gèrent-ils les contraintes ? C’est l’objet d’un nouveau chantier de recherche Leroy Merlin Source réalisé par une équipe de chercheuses du laboratoire Profession, Architecture, Ville et Environnement (PAVE) et du laboratoire de l’École supérieure des professions immobilières (ESPI2R).

Enquêter auprès des « éclaireurs » de la transition écologique

L’équipe de cinq chercheuses a mené cette recherche exploratoire auprès de foyers particulièrement investis dans la transition climatique. Ces derniers mettent en œuvre des pratiques de durabilité dans différents domaines de leur vie quotidienne, incluant le logement. Parmi les enquêtés, plusieurs peuvent même être qualifiés de “pionniers” ou “d’éclaireurs”. Ces termes caractérisent un engagement et un niveau d’action fort dans les enjeux de la transition. Mais aussi une propension à diffuser, à faire exemple et à innover de par leur attitude d’avant-garde.

Mettre à jour les contraintes vers la transition écologique en pratique dans le logement

Qu’est-ce qui freine ou complexifie le passage à l’action ? Les chercheuses se sont particulièrement intéressées à la notion de contrainte. Qu’elles soient factuelles (lieu de vie, statut de résidence, financements…) ou individuelles (objectifs personnels de confort, arbitrages…). L’enquête s’intéresse donc à la fois à la manière dont ces contraintes affectent les foyers au sein du logement. Mais aussi à la notion même de contrainte chez celles et ceux qui s’engagent dans leur propre transition.

Transformer le logement et s’engager dans la transition écologique : deux registres d’actions distincts

La rénovation énergétique est rarement l’objectif principal des travaux dans le logement. Elle ne garantit pas sa meilleure durabilité. D’ailleurs la transformation durable du logement répond aux mêmes injonctions multiples : assurer un meilleur confort et la praticité du logement, l’adapter aux évolutions familiales (recomposition spatiale). En parallèle, agir pour la transition écologique par le biais de l’habitat ou de ses pratiques ne va pas nécessairement de pair avec la conscience de l’urgence climatique et l’impératif du changement.

Quelles évolutions dans un logement plus durable ?

Les actions et les niveaux de transformation chez les enquêtés sont très disparates. « Par touches » ou par « lots » leurs actions ciblées sont plutôt liées à l’entretien du logement et au budget du foyer :

  • changements d’énergies utilisées (installation de poêle à bois, pompe à chaleur, panneaux solaires…).
  • modifications de l’enveloppe du bâti (combles et menuiseries plus performantes).
  • démarches d’assainissement : débarrasser l’intérieur des polluants, recourir à des matériaux sains ou naturels (argile, terre, bois…), ventiler et faire respirer l’intérieur et ses matériaux.

On constate en général une démarche de simplification. Et on note une certaine méfiance envers le contexte normatif et réglementaire jugé peu transparent et mal adapté à l’habitat ancien : matériaux poreux, abondance de ponts thermiques, volumétrie éclatée, forte inertie…

Des tests pour aller vers plus de durabilité

La recherche montre aussi que les habitants testent et ajoutent aussi des dispositifs. Le but ? Limiter la dépendance aux technologies et énergies. Moustiquaires, pergolas, brise-soleil, voiles d’ombrage et végétalisation, rideaux thermiques ou “pulls en plus” en hiver…. Des objets apparaissent aussi pour limiter le gaspillage des ressources ou la production de déchets : bacs de tri, bacs d’eau dans la douche, récupérateurs d’eau de pluie. D’ailleurs le déchet devient une ressource employée au jardin ou à l’extérieur. Enfin, les foyers récupèrent, personnalisent, détournent pour éviter le neuf, la propagation des composés organiques volatils (COV) et réduire les coûts et le gaspillage.

Investir les low-techs

Les low-techs représentent l’un des vecteurs assez simples d’adaptation du logement. Elles répondent aux attentes des foyers :

  • très engagés (en quête d’efficacité et d’exemplarité).
  • qui ne peuvent modifier leur logement en profondeur.
  • en test de nouvelles pratiques réversibles (locataires ou pour la revente).

Mais leur diffusion reste limitée en raison des barrières psychologiques non levées pour certains dispositifs sensibles comme les toilettes sèches. Et en raison du manque de filières professionnelles pour faciliter leur fabrication, leur commercialisation (à coût abordable), leur acceptabilité et leur gestion.

Recherche de durabilité : vers une redéfinition des espaces de vie ?

L’équipe de recherche a noté que l’adaptation du logement ne conduit pas à une redéfinition des espaces de vie et de la conception du logement. Certes, l’espace de vie se dilate – si possible – vers l’extérieur en été. Mais on n’observe ni d’usages saisonniers des espaces intérieurs (chambre d’été, chambre d’hiver) ni de recomposition du plan du logement. Les enquêtés vont plutôt modifier leurs pratiques (se couvrir pour ne pas gaspiller de chauffage). Et ajuster les modalités de maîtrise des ambiances (chauffer ou rafraîchir avec des dispositifs écologiques ou non fossiles).

4 Profils d’habitants :

2 profils « engagés » qui vivent la transition écologique dans leur logement

  1. Les éclaireurs passeurs assument un rôle de pionnier. Leur but : accélérer la mise en transition des foyers et des acteurs à grande échelle. Leur logement est un lieu d’expérimentation, d’application et un démonstrateur des techniques, matériaux et dispositifs durables. Les contraintes ? Ils les contournent, les dépassent et travaillent à réformer les cadres réglementaires, normatifs et professionnels.
  2. Les partisans de la sobriété visent la décroissance (objectif d’un bilan carbone faible) et parfois une forme d’autonomie. Chez ces foyers, on observe une mise en retrait de la société de consommation. Leurs interventions dans le logement sont plus réduites pour ne pas gaspiller ce qui fonctionne encore. Ils s’adaptent et compensent les postes énergivores ou peu durables par des pratiques sobres (mobilités, loisirs…). Ils sont parfois aussi des éclaireurs naissants (sans la dimension pédagogique).

2 profils encore sous contraintes

  1. Les sympathisants de la durabilité tentent d’agir au quotidien dans leurs pratiques et leur logement, mais sont encore freinés : budget, vie familiale, manque de temps, manque de professionnels disponibles… Frustrés pour certains, ils font alors des concessions sur les matériaux, les techniques et les dispositifs qu’ils envisageaient d’utiliser et mettre en place.
  2. Les consommateurs de la croissance verte pensent que la transition est synonyme de progrès. Pour eux, faire la transition n’est pas viser la décroissance ni l’autonomie mais « consommer mieux » (moins polluant) en utilisant les technologies qui se développent pour maintenir leur niveau de confort et de commodité.

Le regard des professionnels : enseignements et pistes d’amélioration

La plupart des professionnels rencontrés ont engagé une conversion pour mieux adresser les enjeux climatiques. Ainsi ils sont actifs dans l’architecture, l’ingénierie, l’immobilier, le droit et l’écoconstruction. Et ils se distinguent par une forte mise en réseau et leur (auto-) formation. En effet ils travaillent de façon collaborative : ils se retrouvent entre eux et avec les habitants pour se former, échanger et tester-réaliser autour du chantier et du développement d’alternatives durables (exemple des low-techs ou des filières matériaux biosourcés). Par ailleurs ils s’impliquent dans des réseaux et institutions facilitant la transmission de compétences et l’évolution de la réglementation pour des modes de vie durables.

Transition écologique des pros : surmonter les derniers obstacles

Aujourd’hui des obstacles persistent, comme la difficulté à généraliser les pratiques de rénovation et de construction (manque d’artisans et de filières matériaux et approvisionnement). Ces professionnels pointent donc le nécessaire développement de filières adaptées et structurées. En parallèle de la formation des artisans. De plus, ils perçoivent la réglementation, les diagnostics et les modes d’évaluation de la durabilité dans l’habitat comme un défi. En revanche, ils plébiscitent les chantiers participatifs, le réemploi, et l’auto-formation qui se démocratisent progressivement.

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